Chou gras avec Marie-Pier Morin
- 6 septembre 2017
Candidate de l’émission « Les chefs » en 2010 puis en 2014 lors de la revanche, maintenant chef exécutive au restaurant Le Richmond, cette jeune femme a déjà tout un parcours.
Née dans une famille gravitant dans le milieu des restaurant avec un papa chef, « une maman maître d’hôtel », un parrain professeur à l’ITHQ et une tante serveuse, Marie-Pier a toutes les opportunités de travailler dans le milieu… ce qu’elle fait, débutant bien jeune à peler des légumes, faire la plonge ou toute autres tâches connexes qu’il y a à faire dans le fabuleux monde des cuisines de restaurant. « Je me demande si j’avais l’âge légal pour travailler dans ce temps-là, raconte-t-elle en rigolant ». À l’adolescence, l’esprit de contradiction qui vient avec cet âge l’a éloignée du milieu mais finalement, selon ses propres termes, l’amour de la bouffe a pris le dessus. Le jour où elle a avoué à ses parents qu’elle venait de s’inscrire en pâtisserie à l’ITHQ, ils l’ont confrontée : « Es-tu certaine? Tu sais que tu vas travailler de longues heures? Tes chums vont sortir et toi tu vas être au resto le samedi soir. C’est des heures de fou, tu es consciente de cela n’est-ce pas? Question de l’aider à bien valider son choix avant d’entrer à l’école, papa lui a offert d’aller travailler avec le chef Ian Perreault, alors au resto Area, pour voir si vraiment, c’est ce qu’elle voulait et non pas juste « faire comme ses parents ». L‘expérience s’est avérée vraiment, vraiment magnifique : « j’avais totalement envie de faire cela, de travailler avec d’autres dans des cuisines et cette expérience m’a confortée dans mon choix, stimulée » et c’est gonflée à bloc qu’elle est entrée à l’ITHQ l’automne suivant son « stage de vie » formidable avec Ian Perreault. « À partir du moment où je suis entrée à l’école, j’allais à mes cours le matin et je travaillais chez Area le soir, c’était tellement le fun et d’une certaine façon, le travail au resto était encore plus pertinent que ce que j’apprenais dans les cours… j’ai eu la piqure totale aux deux endroits. Lors de ces années, je fonctionnais la pédale dans le tapis et même mes journées de congé servaient à monter des projets et aller à fond dans mes passions culinaires. »
Elle avoue que la situation présente dans le monde de la restauration l’inquiète un peu. « Je suis allée à l’école apprendre mes bases, ça fait déjà 15 ans que je suis dans le milieu, 6 ans que je suis chef, j’ai eu des postes de sous-chef avant cela, je suis montée graduellement, en apprenant au fil du temps. Aujourd’hui on embauche rapidement, par manque pressant de personnel, c’est difficile de trouver des employés… les salaires sont intéressants même si tu n’as pas fait tes classes… Alors ceux qui se retrouvent dans le monde de la restauration sans être allés à l’école ont-ils vraiment tous les outils pour bien assimiler la démarche, bien comprendre le travail qu’ils font et tout ce qu’il comporte? Ou sautent-ils des étapes? Je ne sais pas trop. Une chose que je sais cependant, c’est que le métier n’est pas facile et que je vois des collègues changer de métier même après plusieurs années dans le domaine. Ils deviennent professeurs, ils se convertissent en traiteurs… Les gens de mon âge, ceux de 30 ans et plus, sont plus rares, c’est une forme de sacrifice de ta vie personnelle et ce n’est pas tout le monde qui est prêt à assumer ce sacrifice. C’est tout un défi de rouler un resto, il faut être créatif, un bon gestionnaire, un bon comptable… »
La conversation bifurque vers les aliments du Québec : « il faut presque faire un effort pour ne pas les utiliser! », de dire Marie-Pier en rigolant. « C’est facile de se procurer les produits d’ici car il y en a beaucoup, les producteurs innovent pour nous fournir du frais à longueur d’année (les produits des serres sur les toits, et les champignons par exemple) et les clients sont sensibles à la provenance des aliments. Le défi reste de passer au travers de l’hiver, cela complique la stabilité de l’offre, les gens s’attendent à une certaine variété au menu de mon restaurant… J’admire les chefs des restaurants Candide ou le Mousso, car ils poussent la démarche jusqu’au bout, mais selon moi il y a moyen de faire des compromis entre les produits d’ici lorsqu’ils sont disponibles et abondants et les mois de l’hiver lors desquels ils le sont moins. On a des fraises jusqu’à la fin de l’automne, des légumes racines pendant tout l’hiver, mais dire que je ne servirai pas d’asperges en dehors de la saison québécoise n’est pas évident car mes clients ont une attente, ils ne viennent pas tous au Richmond en espérant vivre une expérience gastronomique exclusivement québécoise… On essaie de maximiser l’utilisation des produits du Québec et de faire notre part pour les producteurs d’ici, l’environnement… On a même nos abeilles sur le toit du restaurant! Mais dans la ligne de pensée du restaurant, qui propose une cuisine épurée, inspirée du nord de l’Italie, je dois composer avec des contraintes qui font en sorte que j’utilise des produits frais d’ailleurs lorsque nous ne sommes pas en mesure de nous les procurer du Québec. »
En plus de gérer deux cuisines (restaurant et traiteur) et de travailler de nombreuses heures par semaine, Marie-Pier est en voie de créer une association de femmes chef avec Dominique Dufour des restaurants Ludger et Magdalena. « Dominique arrive de Toronto où elle a travaillé avec beaucoup de femmes chefs qui étaient très solidaires et s’épaulaient. Elle essaie de recréer une association de ce genre à Montréal et j’ai vraiment envie de le faire avec elle. C’est stimulant, encourageant de monter un réseau d’entraide, de se parler, se comprendre, se supporter… on provoque des rencontres, on organise des soupers spéciaux, des évènements, on essaie d’encourager les filles à persévérer, on s’aide à trouver du personnel, à garder la tête hors de l’eau. Parfois on se sent seule mais quand on parle de nos réalités avec d’autres femmes chefs, on se rend compte qu’on a tous nos problèmes chacune de notre côté et qu’ensemble, il y a moyen de s’entraider… »
Et demain? « Demain… disons que dans 15 ans je me vois propriétaire d’un restaurant certains jours, et d’autres je pense qu’il serait plutôt sage de faire partie d’une équipe… il y a beaucoup de restaurants déjà, et le milieu peut être difficile… Je suis en mode coopération par les temps qui courent… mais qui sait ce que l’avenir nous réserve! »
Née dans une famille gravitant dans le milieu des restaurant avec un papa chef, « une maman maître d’hôtel », un parrain professeur à l’ITHQ et une tante serveuse, Marie-Pier a toutes les opportunités de travailler dans le milieu… ce qu’elle fait, débutant bien jeune à peler des légumes, faire la plonge ou toute autres tâches connexes qu’il y a à faire dans le fabuleux monde des cuisines de restaurant. « Je me demande si j’avais l’âge légal pour travailler dans ce temps-là, raconte-t-elle en rigolant ». À l’adolescence, l’esprit de contradiction qui vient avec cet âge l’a éloignée du milieu mais finalement, selon ses propres termes, l’amour de la bouffe a pris le dessus. Le jour où elle a avoué à ses parents qu’elle venait de s’inscrire en pâtisserie à l’ITHQ, ils l’ont confrontée : « Es-tu certaine? Tu sais que tu vas travailler de longues heures? Tes chums vont sortir et toi tu vas être au resto le samedi soir. C’est des heures de fou, tu es consciente de cela n’est-ce pas? Question de l’aider à bien valider son choix avant d’entrer à l’école, papa lui a offert d’aller travailler avec le chef Ian Perreault, alors au resto Area, pour voir si vraiment, c’est ce qu’elle voulait et non pas juste « faire comme ses parents ». L‘expérience s’est avérée vraiment, vraiment magnifique : « j’avais totalement envie de faire cela, de travailler avec d’autres dans des cuisines et cette expérience m’a confortée dans mon choix, stimulée » et c’est gonflée à bloc qu’elle est entrée à l’ITHQ l’automne suivant son « stage de vie » formidable avec Ian Perreault. « À partir du moment où je suis entrée à l’école, j’allais à mes cours le matin et je travaillais chez Area le soir, c’était tellement le fun et d’une certaine façon, le travail au resto était encore plus pertinent que ce que j’apprenais dans les cours… j’ai eu la piqure totale aux deux endroits. Lors de ces années, je fonctionnais la pédale dans le tapis et même mes journées de congé servaient à monter des projets et aller à fond dans mes passions culinaires. »
Elle avoue que la situation présente dans le monde de la restauration l’inquiète un peu. « Je suis allée à l’école apprendre mes bases, ça fait déjà 15 ans que je suis dans le milieu, 6 ans que je suis chef, j’ai eu des postes de sous-chef avant cela, je suis montée graduellement, en apprenant au fil du temps. Aujourd’hui on embauche rapidement, par manque pressant de personnel, c’est difficile de trouver des employés… les salaires sont intéressants même si tu n’as pas fait tes classes… Alors ceux qui se retrouvent dans le monde de la restauration sans être allés à l’école ont-ils vraiment tous les outils pour bien assimiler la démarche, bien comprendre le travail qu’ils font et tout ce qu’il comporte? Ou sautent-ils des étapes? Je ne sais pas trop. Une chose que je sais cependant, c’est que le métier n’est pas facile et que je vois des collègues changer de métier même après plusieurs années dans le domaine. Ils deviennent professeurs, ils se convertissent en traiteurs… Les gens de mon âge, ceux de 30 ans et plus, sont plus rares, c’est une forme de sacrifice de ta vie personnelle et ce n’est pas tout le monde qui est prêt à assumer ce sacrifice. C’est tout un défi de rouler un resto, il faut être créatif, un bon gestionnaire, un bon comptable… »
La conversation bifurque vers les aliments du Québec : « il faut presque faire un effort pour ne pas les utiliser! », de dire Marie-Pier en rigolant. « C’est facile de se procurer les produits d’ici car il y en a beaucoup, les producteurs innovent pour nous fournir du frais à longueur d’année (les produits des serres sur les toits, et les champignons par exemple) et les clients sont sensibles à la provenance des aliments. Le défi reste de passer au travers de l’hiver, cela complique la stabilité de l’offre, les gens s’attendent à une certaine variété au menu de mon restaurant… J’admire les chefs des restaurants Candide ou le Mousso, car ils poussent la démarche jusqu’au bout, mais selon moi il y a moyen de faire des compromis entre les produits d’ici lorsqu’ils sont disponibles et abondants et les mois de l’hiver lors desquels ils le sont moins. On a des fraises jusqu’à la fin de l’automne, des légumes racines pendant tout l’hiver, mais dire que je ne servirai pas d’asperges en dehors de la saison québécoise n’est pas évident car mes clients ont une attente, ils ne viennent pas tous au Richmond en espérant vivre une expérience gastronomique exclusivement québécoise… On essaie de maximiser l’utilisation des produits du Québec et de faire notre part pour les producteurs d’ici, l’environnement… On a même nos abeilles sur le toit du restaurant! Mais dans la ligne de pensée du restaurant, qui propose une cuisine épurée, inspirée du nord de l’Italie, je dois composer avec des contraintes qui font en sorte que j’utilise des produits frais d’ailleurs lorsque nous ne sommes pas en mesure de nous les procurer du Québec. »
En plus de gérer deux cuisines (restaurant et traiteur) et de travailler de nombreuses heures par semaine, Marie-Pier est en voie de créer une association de femmes chef avec Dominique Dufour des restaurants Ludger et Magdalena. « Dominique arrive de Toronto où elle a travaillé avec beaucoup de femmes chefs qui étaient très solidaires et s’épaulaient. Elle essaie de recréer une association de ce genre à Montréal et j’ai vraiment envie de le faire avec elle. C’est stimulant, encourageant de monter un réseau d’entraide, de se parler, se comprendre, se supporter… on provoque des rencontres, on organise des soupers spéciaux, des évènements, on essaie d’encourager les filles à persévérer, on s’aide à trouver du personnel, à garder la tête hors de l’eau. Parfois on se sent seule mais quand on parle de nos réalités avec d’autres femmes chefs, on se rend compte qu’on a tous nos problèmes chacune de notre côté et qu’ensemble, il y a moyen de s’entraider… »
Et demain? « Demain… disons que dans 15 ans je me vois propriétaire d’un restaurant certains jours, et d’autres je pense qu’il serait plutôt sage de faire partie d’une équipe… il y a beaucoup de restaurants déjà, et le milieu peut être difficile… Je suis en mode coopération par les temps qui courent… mais qui sait ce que l’avenir nous réserve! »