Chou gras avec Mathieu Cloutier
- 10 septembre 2018
... ayant travaillé avec les plus grands chefs dans des restaurants gastronomiques en France, en Angleterre, en Australie, en Alberta, à Hawaï, et bien sûr, au Québec puis à Montréal, où il ouvre le Kitchen Galerie, il y a 11 ans de cela. Kitchen Galerie, un nom qui évoque l’art de la cuisine, l’art gastronomique. Mathieu me raconte une anecdote à propos du nom de son resto : à l’origine, il voulait mettre sur les murs des peintures de poissons, de fruits, de légumes, d’aliments, quoi! mais l’artiste qui devait peindre pour eux les a laissés tomber… Peu importe, l’idée demeure. Et la cuisine, ouverte sur la salle et à la vue des clients, invite à « zyeuter » et à admirer les produits, les couleurs, les odeurs, captant les 5 sens. Elle propose au regard, le cuisinier utilisant ses ustensiles et ses mains magnifiant les ingrédients et les transformant en plats extraordinaires, un peu comme le peintre travaillant à son œuvre. « À la place de décrire la chanterelle à un client qui me demande c’est quelle sorte de champignons, je la prends dans ma main et je la lui montre. On éduque, on explique, les gens visualisent, c’est comme dans une galerie d’art. Au même moment où je lançais mon resto, j’ai su qu’il existait un autre Kitchen Galerie, mais à Paris. France oblige, le resto porte cependant le nom de Ze Kitchen Galerie… Ah, ces Français! »
Propriétaire du restaurant, Mathieu prêche par l’exemple : « On a fait un mariage récemment. Je suis entré à 7 h le samedi matin et j’ai terminé ma journée à 4 h 30 le lendemain, presque 24 heures plus tard. Quand tu te donnes de cette façon recruter des employés n’est pas un problème. Quand tu travailles avec cœur, les gens qui travaillent avec toi font de même. Je leur demande beaucoup, mais j’offre beaucoup en contrepartie. »
Il peut faire ce qu’il fait comme il le fait, principalement grâce à sa femme… bel hommage lui porte-t-il : « Elle est extraordinaire et comprend tout à fait le métier de chef. Si ce n’était pas d’elle, je n’y arriverais pas. La conciliation travail famille, elle s’y connaît. Elle me demande une seule chose, c’est d’être présent avec les enfants le matin (ils ont deux petits bonhommes de 1 et de 4 ans), et même si j’entre fourbu d’une journée de travail, je suis avec eux tous les matins de la semaine. » Il cuisine avec son plus vieux qui tourne autour des chaudrons et brasse des béchamels, ou encore épluche les carottes pour aider papa à la confection des repas. Tous les parents devraient apprendre les rudiments de la cuisine à leurs enfants!
Si Mathieu avait un souper à 4 mains à préparer, il le ferait avec Serge Dansereau, chef du Bather’s Pavilion Restaurant de Sydney, en Australie, avec qui il a travaillé pendant un an et demie. « Un homme exceptionnel, aux belles valeurs, qui m’a beaucoup donné et appris. Il montre l’exemple, généreux de son temps et partageant ses connaissances. J’ai été traité royalement lors de mon passage dans son resto. Bien sûr j’ai travaillé fort. Mais en échange de mes labeurs, j’avais un bel appartement sur le bord de la mer, des congés, du bon temps, de l’amitié et un mentor. Pour moi, il est le Normand Laprise australien, même s’il est québécois, se dévouant au développement des produits de son pays d’adoption qu’il cuisine impeccablement. J’aimerais tellement lui montrer où je suis rendu aujourd’hui. Ce québécois, qui a travaillé aux États-Unis, en Europe, en Asie et en Australie, a été nommé meilleur chef dans son pays d’adoption. Il est un exemple pour moi. » Il faut croire que l’élève a suivi les traces du maître, car Mathieu a gagné les titres de meilleur chef au Canada en 2009 et s’est mérité celui de meilleur chef au Québec cette année.
Si les pétoncles constituent son plat préféré, le plat que Mathieu aurait vraiment aimé créer est la poutine au foie gras de Martin Picard. « C’est pas le plat le plus glamour, ce n’est pas le plat le plus gastronomique, mais c’est une idée formidable, et c’est un bon plat que je prends à chaque fois que je vais chez Martin. Quel plat le fun! Une recette que, selon moi, il ne devrait jamais enlever de sa carte. Une recette signature quoi! »
Quand je lui demande si nous devons acheter local, Mathieu me répond qu’il est 3000 % (sic) d’accord avec cela. Cela demande cependant des efforts, de la patience et de l’éducation. « J’ai travaillé avec beaucoup de chefs, au restaurant Gill Rouen en Normandie (2 étoiles Michelin), au Manoir Hovey, à l’Augerge Hatley… Lorsque Gill me demandait d’aller cueillir le thym dans son jardin, lorsqu’il ne parlait que pour les aliments locaux et les poissons pêchés sur les côtes normandes, j’étais en harmonie totale avec cela. Les fraises d’ici, c’est elles qu’il faut utiliser! Tout le monde connait un agriculteur, il faut aider ces gens-là à vivre! Et partant de là, en valorisant nos produits, le rouage devrait s’enclencher et les prix devraient devenir plus compétitifs, la diversité devrait augmenter… Nos produits laitiers, nos fromages, nos poissons, nos fruits de mer… Est-il normal que les trois-quarts du temps lorsque je commande des poissons du Québec, ceux que j’achète passent par New York??? Le Kitchen Galerie est installé près du marché Jean-Talon justement pour se fournir en produits locaux. Ainsi son mozzarella di Bufala est québécois, les fromages proposés à sa carte le sont aussi, ses asperges viennent de Lanaudière ainsi que ses pommes de terre… « Peut-être qu’on paie un peu plus cher mais ça vient de chez nous… »
Sa plus grande fierté? Que le Kitchen Galerie soit ouvert, aimé et apprécié de ses clients depuis 11 ans maintenant. « Rouler un resto pendant tout ce temps, c’est vraiment hot. À Montréal, les restos durent de 2 à 3 ans en moyenne. Alors, que nous soyons encore bien présents dans le portrait gastronomique québécois, que les gens viennent et apprécient notre bouffe, qu’ils contribuent à la réussite de mon resto sont pour moi de grandes joies. Bien sûr que gagner un titre comme celui de chef de l’année au Canada ou au Québec c’est super, mais c’est comme gagner le 100 mètres aux Olympiques. Cette course-là tu as fini en premier, mais lors de la prochaine un plus jeune passera sûrement la ligne avant toi. Donc durer dans le temps, pour moi, c’est plus important que finir premier. »
Pour terminer sur une note humoristique, je lui demande quel légume serait-il s’il devait en être un. En rigolant, Mathieu me répond une carotte, car c’est simple, sucré et toujours bon. Côté fruit, c’est la pomme qui l’emporte, et pas une en particulier, mais toutes les pommes du Québec qui ont chacune leur force selon le sympathique chef. « Mes 2 enfants sont différents et je les aime pour ce qu’ils sont. Même chose pour les pommes. Elles ont toutes leurs particularités et leurs atouts. C’est un beau produit d’ici que j’essaie de mettre de l’avant le plus souvent possible. »
On conclut cet entretien en parlant saisonnalité versus disponibilité : « J’admire l’ami Antonin (Mousseau Rivard) qui fait ses conserves et engrange des produits pour l’hiver… mais je n’ai pas le temps de faire cela. La réalité est que je bosse beaucoup, et que je manque de temps pour tout faire et d’espace pour entreposer tout cela. Alors j’utilise des produits de saison, et en janvier, quand ils se font plus rares, je ferme le resto, je donne congé à mes employés, je prends des vacances en famille et je profite de la vie… »
Chef Cloutier, un sincère merci pour cet entretien et pour votre temps. Mes meilleurs souhaits de belle continuation dans vos projets. Restez sympathique, humain et simplement accessible comme vous l’êtes.
Propos recueillis par Isabelle Ferland le 14 août 2018
Pour fraicheurquebec.com
Propriétaire du restaurant, Mathieu prêche par l’exemple : « On a fait un mariage récemment. Je suis entré à 7 h le samedi matin et j’ai terminé ma journée à 4 h 30 le lendemain, presque 24 heures plus tard. Quand tu te donnes de cette façon recruter des employés n’est pas un problème. Quand tu travailles avec cœur, les gens qui travaillent avec toi font de même. Je leur demande beaucoup, mais j’offre beaucoup en contrepartie. »
Il peut faire ce qu’il fait comme il le fait, principalement grâce à sa femme… bel hommage lui porte-t-il : « Elle est extraordinaire et comprend tout à fait le métier de chef. Si ce n’était pas d’elle, je n’y arriverais pas. La conciliation travail famille, elle s’y connaît. Elle me demande une seule chose, c’est d’être présent avec les enfants le matin (ils ont deux petits bonhommes de 1 et de 4 ans), et même si j’entre fourbu d’une journée de travail, je suis avec eux tous les matins de la semaine. » Il cuisine avec son plus vieux qui tourne autour des chaudrons et brasse des béchamels, ou encore épluche les carottes pour aider papa à la confection des repas. Tous les parents devraient apprendre les rudiments de la cuisine à leurs enfants!
Si Mathieu avait un souper à 4 mains à préparer, il le ferait avec Serge Dansereau, chef du Bather’s Pavilion Restaurant de Sydney, en Australie, avec qui il a travaillé pendant un an et demie. « Un homme exceptionnel, aux belles valeurs, qui m’a beaucoup donné et appris. Il montre l’exemple, généreux de son temps et partageant ses connaissances. J’ai été traité royalement lors de mon passage dans son resto. Bien sûr j’ai travaillé fort. Mais en échange de mes labeurs, j’avais un bel appartement sur le bord de la mer, des congés, du bon temps, de l’amitié et un mentor. Pour moi, il est le Normand Laprise australien, même s’il est québécois, se dévouant au développement des produits de son pays d’adoption qu’il cuisine impeccablement. J’aimerais tellement lui montrer où je suis rendu aujourd’hui. Ce québécois, qui a travaillé aux États-Unis, en Europe, en Asie et en Australie, a été nommé meilleur chef dans son pays d’adoption. Il est un exemple pour moi. » Il faut croire que l’élève a suivi les traces du maître, car Mathieu a gagné les titres de meilleur chef au Canada en 2009 et s’est mérité celui de meilleur chef au Québec cette année.
Si les pétoncles constituent son plat préféré, le plat que Mathieu aurait vraiment aimé créer est la poutine au foie gras de Martin Picard. « C’est pas le plat le plus glamour, ce n’est pas le plat le plus gastronomique, mais c’est une idée formidable, et c’est un bon plat que je prends à chaque fois que je vais chez Martin. Quel plat le fun! Une recette que, selon moi, il ne devrait jamais enlever de sa carte. Une recette signature quoi! »
Quand je lui demande si nous devons acheter local, Mathieu me répond qu’il est 3000 % (sic) d’accord avec cela. Cela demande cependant des efforts, de la patience et de l’éducation. « J’ai travaillé avec beaucoup de chefs, au restaurant Gill Rouen en Normandie (2 étoiles Michelin), au Manoir Hovey, à l’Augerge Hatley… Lorsque Gill me demandait d’aller cueillir le thym dans son jardin, lorsqu’il ne parlait que pour les aliments locaux et les poissons pêchés sur les côtes normandes, j’étais en harmonie totale avec cela. Les fraises d’ici, c’est elles qu’il faut utiliser! Tout le monde connait un agriculteur, il faut aider ces gens-là à vivre! Et partant de là, en valorisant nos produits, le rouage devrait s’enclencher et les prix devraient devenir plus compétitifs, la diversité devrait augmenter… Nos produits laitiers, nos fromages, nos poissons, nos fruits de mer… Est-il normal que les trois-quarts du temps lorsque je commande des poissons du Québec, ceux que j’achète passent par New York??? Le Kitchen Galerie est installé près du marché Jean-Talon justement pour se fournir en produits locaux. Ainsi son mozzarella di Bufala est québécois, les fromages proposés à sa carte le sont aussi, ses asperges viennent de Lanaudière ainsi que ses pommes de terre… « Peut-être qu’on paie un peu plus cher mais ça vient de chez nous… »
Sa plus grande fierté? Que le Kitchen Galerie soit ouvert, aimé et apprécié de ses clients depuis 11 ans maintenant. « Rouler un resto pendant tout ce temps, c’est vraiment hot. À Montréal, les restos durent de 2 à 3 ans en moyenne. Alors, que nous soyons encore bien présents dans le portrait gastronomique québécois, que les gens viennent et apprécient notre bouffe, qu’ils contribuent à la réussite de mon resto sont pour moi de grandes joies. Bien sûr que gagner un titre comme celui de chef de l’année au Canada ou au Québec c’est super, mais c’est comme gagner le 100 mètres aux Olympiques. Cette course-là tu as fini en premier, mais lors de la prochaine un plus jeune passera sûrement la ligne avant toi. Donc durer dans le temps, pour moi, c’est plus important que finir premier. »
Pour terminer sur une note humoristique, je lui demande quel légume serait-il s’il devait en être un. En rigolant, Mathieu me répond une carotte, car c’est simple, sucré et toujours bon. Côté fruit, c’est la pomme qui l’emporte, et pas une en particulier, mais toutes les pommes du Québec qui ont chacune leur force selon le sympathique chef. « Mes 2 enfants sont différents et je les aime pour ce qu’ils sont. Même chose pour les pommes. Elles ont toutes leurs particularités et leurs atouts. C’est un beau produit d’ici que j’essaie de mettre de l’avant le plus souvent possible. »
On conclut cet entretien en parlant saisonnalité versus disponibilité : « J’admire l’ami Antonin (Mousseau Rivard) qui fait ses conserves et engrange des produits pour l’hiver… mais je n’ai pas le temps de faire cela. La réalité est que je bosse beaucoup, et que je manque de temps pour tout faire et d’espace pour entreposer tout cela. Alors j’utilise des produits de saison, et en janvier, quand ils se font plus rares, je ferme le resto, je donne congé à mes employés, je prends des vacances en famille et je profite de la vie… »
Chef Cloutier, un sincère merci pour cet entretien et pour votre temps. Mes meilleurs souhaits de belle continuation dans vos projets. Restez sympathique, humain et simplement accessible comme vous l’êtes.
Propos recueillis par Isabelle Ferland le 14 août 2018
Pour fraicheurquebec.com